J’aimerais à présent m’adresser à ceux d’entre vous qui ont joué ce rôle.
Très bien. Je suis Hiroaki Nakano et j’ai travaillé sur la programmation. J’ai créé les différents systèmes nécessaires à l’animation de Kirby. Et en tant que responsable, j’ai coordonné l’ensemble des programmeurs.
Le personnage de Kirby possède de nombreux mouvements, comme le fait d’aspirer des choses ou ses compétences de copie : le système de base de la programmation tend donc à être compliqué. Avez-vous eu du mal à accepter les spécifications ?
Les spécifications étaient compliquées, mais nous n’avons pas eu de mal à les accepter. (rires) Les programmeurs ont dû se casser la tête, mais il n’y a pas eu de retournements de situation inattendus et les programmeurs ont vraiment travaillé dur, nous avons donc réussi à en venir à bout. En termes de programmation, un gameplay pour quatre joueurs en simultané était un sacré défi.
Plus que les difficultés entraînées par la programmation du personnage de Kirby, il fallait que jusqu’à quatre joueurs puissent y jouer.
Oui.
Avant cela, quand nous avons fait Kirby’s Adventure 10 , nous avons créé pour la première fois le système de compétences de copie. Quand j’ai consulté Suga-san11, qui était le principal programmeur et le responsable, il a dit quelque chose dont je me souviendrai toute ma vie. Il a déclaré : « Mais nous allons... vraiment faire ça ? » 10 Kirby’s Adventure : jeu d’action commercialisé au Japon pour la console Famicom en mars 1993.11 M. Hiroaki Suga : producteur de Kirby’s Adventure Wii.
(rires)
Du point de vue du développement à l’époque de la console Famicom, je crois qu’il voulait dire que la quantité de travail que cela représentait équivalait à celle de plusieurs jeux, et ces difficultés de programmation perdurent aujourd’hui encore, un peu comme une tradition dans les jeux Kirby. Cette fois, il s’agit du mode multijoueur.
Oui. Le système des compétences de copie était difficile, mais plusieurs autres programmeurs et moi-même avions participé aux trois jeux Kirby perdus, nous avions donc une idée sur la manière de procéder. Mais l’argument de vente, cette fois – le fait que , – est différent, nous avons donc eu des tonnes de choses à faire.
En tant que programmeur, cela représente beaucoup de conditions défavorables.
Oui. Tout à l’heure, j’ai mentionné le fait qu’il n’y avait pas eu de retournements de situation inattendus, mais au départ, personne n’avait mentionné la jouabilité simultanée à quatre personnes. En tant que programmeur, je me tenais la tête à deux mains (rires), mais il semble logique que les joueurs veuillent jouer avec leurs amis.
Pour être honnête, je me suis dit qu’il serait difficile que tout le monde puisse incarner Kirby, avalant et copiant en même temps.
Si les programmeurs m’avaient dit que c’était impossible, j’aurais laissé tomber, mais Nakano-san a réfléchi un moment et déclaré, l’air de rien : « C’est faisable ! » Comme vous l’avez dit une fois, Iwata-san ! (rires)
La légende des programmeurs qui ne disent jamais non continue. (rires) (Note de l’éditeur : cette « légende » fait référence à une précédente interview. Interrogé dans une rubrique par le rédacteur Shigesato Itoi, Iwata-san a déclaré que si un programmeur disait non, les idées auraient plus de mal à venir. L’interview complète est disponible en ligne en japonais, sur le dite d’Itoi-san « Hobo Nikkan Itoi Shinbun » (Journal quasi quotidien d’Itoi)
Oui. (rires) Je suis soulagé que nous ayons finalement réussi à permettre à quatre joueurs d’incarner Kirby.
Très bien, Kamitake-san ?
Bien. Je suis Tadashi Kamitake, responsable de la conception. J’ai travaillé pour la première fois sur un jeu Kirby en tant que concepteur pour Kirby Super Star Ultra, destiné à la console Nintendo DS. J’ai essentiellement géré les plannings et supervisé la conception.
Quand vous avez vu ce qui avait été fait pour les trois jeux qui ne sont jamais sortis, avez-vous eu peur ?
Honnêtement, oui ! Et je n’étais pas le seul. Ça a été la même chose pour plein de monde.
Oui, j’ai eu l’impression qu’au départ, tout le monde était un peu mal à l’aise.
Je crois que nous avons pu surmonter ça parce qu’en plus de Nakano-san et Kamitake-san, de nombreux membres de l’équipe étaient relativement jeunes. Le pouvoir de la jeunesse a été important pour nous permettre de venir à bout du jeu sans encombre, cette fois.
C’est exact. Il est vraiment dommage que la troisième tentative pour un jeu Kirby n’ait pas vu le jour, mais cette fois-ci, nous étions certains d’y arriver !
Être jeune, c’est vraiment incroyable ! (rires)
(rires)
Ça l’est, vraiment.
L’équipe comptait néanmoins certains vétérans. En un sens, ce sont eux qui connaissaient le mieux la tradition Kirby.
C’est juste. Au départ, beaucoup s’inquiétaient. Mais nous sommes venus à Tokyo une fois, pour discuter avec vous, et vous avez fait en sorte que j’aie l’occasion de discuter avec eux.
Oui. Lorsque le projet a été lancé, j’ai organisé une sorte de table ronde. Les « anciens » qui avaient déjà travaillé sur la série dans le passé étaient là, et cela nous a permis à tous de voir un peu où nous en étions.
J’ai remarqué qu’ils s’inquiétaient des mêmes choses que nous et qu’ils voulaient suivre la même direction. Grâce à cette discussion, nous avons pu utiliser les jeux précédents comme base et continuer en surmontant un à un tous les points qui nous posaient problème.
En cours de route, vous avez donné l’impression d’accélérer soudainement. Kumazaki-san, à quelle période, à peu près, avez-vous eu ce sentiment ?
C’était vers octobre de l’année dernière. Nous étions arrivés à un point où je me suis dit : « Ça va marcher ! » et j’ai pu rencontrer tout le monde et expliquer le genre de contenu que nous visions. La taille de l’équipe a également augmenté.
Vous avez pu affirmer à l’équipe que si vous étoffiez ce que vous aviez, cela deviendrait un produit.
Oui. Nous avons essayé quelque chose d’intéressant pour suivre la progression. Nous avons créé un site Internet en interne pour l’équipe du projet. Certaines pages permettaient de montrer en un clin d’œil où en était l’équipe par la publication de captures d’écran en guise d’historique du développement, d’autres faisaient état de l’avancée sous forme de blog, d’autres encore permettaient d’exposer des spécifications auxquelles nous réfléchissions, ou des dessins des concepteurs.
Un journal de développement, en somme.
C’est juste. L’une des raisons pour lesquelles nous avons mis ça en place était la difficulté des expériences passées avec les trois jeux Kirby inachevés : nous voulions pouvoir dire visuellement à quelle étape nous en étions. Nous avons mis le site à jour quotidiennement, sans exception, une fois le projet commencé. Ainsi, l’équipe toute entière pouvait dire « Oh, les choses prennent vraiment forme ! » C’était un moyen pour que toute l’équipe se réjouisse de l’avancée du projet.
C’est une technique de visualisation. Il est important de définir un objectif précis et de permettre de voir à tout moment où on en est. Ça devait être un peu comme un système de navigation GPS de voiture.
Exactement. Je parle beaucoup et je suis quelqu’un d’enthousiaste et de déterminé (rires), je n’ai donc jamais cessé d’insister auprès de l’équipe sur le fait que c’était un jeu super. Je voulais que tout le monde pense : « Tout se passera bien si c’est Kumazaki qui s’occupe de tout. »
Nakano-san, quand avez-vous réalisé que vous pouviez confier les choses à Kumazaki-san ?
Dès le départ. Quand j’ai vu la proposition qu’il faisait, je me suis simplement dit : « J’ai envie de jouer à ce genre de jeu Kirby ! » J’ai pensé (serre le poing en signe de victoire) « Donnons tout ce que nous avons ! » (rires)
Je crois que nous avons réussi grâce à ce type d’encouragements envers l’équipe.
Kawase-san, vous qui suiviez cela à distance, à quel moment ont-ils donné l’impression d’avoir trouvé une trajectoire ?
C’est un point important. Donner aux mouvements de Kirby une impression de justesse grâce aux ressources déjà existantes s’est fait assez tôt durant le projet.
Oh, je vois. Miyamoto-san dit aussi souvent : « Un jeu est meilleur la deuxième fois qu’on le fait. » J’ai le sentiment que les jeux précédents continuent de vivre dans celui-ci. Le troisième jeu perdu était douloureusement près d’être achevé, je ne voulais donc pas que les choses s’arrêtent là. Cette fois-ci, la quatrième, la structure a changé mais nous avons réutilisé les idées qui ont servi pour le troisième jeu.
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