Mais vous n'êtes pas des comédiens professionnels, donc si quelqu'un vous dit : "Il faut crier !", vous ne pouvez pas y arriver sans faire quelques efforts.
On s'y habitue au bout de quelque temps, mais la première fois que Yone-san m'a dit de crier, je ne savais pas quoi faire.
(rires)
Vous n'avez pas l'habitude de crier au travail.
En effet. Je ne me suis jamais cassé la voix dans mon travail de programmeur. (rires)
Il y a aussi un jeu qui s'appelle Rap romantique . J'ai fait de mon mieux pour projeter une voix entraînante, mais quand je l'ai fait écouter à Tsunku-san, il a dit : "Ça manque de punch !"
Si ça avait eu du punch, (en tapant sur la table), ça aurait eu un rythme comme ça : ♪takka-takka, takka-takka, mais en fait ça ronronnait platement comme ça : ♪taka taka taka taka.
Avec du punch, les paroles ♪i-n-to-you, i-n-to-you, auraient plutôt donné ♪iin-to-you, iin-to-you, mais ce n'était pas le cas.
On a passé un bon bout de temps en heures supplémentaires pour travailler ça.
On se disait : "Takeuchi-san, on essaie encore une fois ?" (rires)
Mais au final, on a remplacé tout ça.
Oui. (rires)
Tsunku-san ne voulait pas faire de concession sur l'essence du jeu.
Sans cela, ça aurait tout juste été un jeu bizarre. Par exemple, si ne serait-ce qu'un seul "In to you!" n'avait pas le bon rythme, le jeu aurait perdu une de ses qualités essentielles.
Donc, peu importent les heures supplémentaires de Takeuchi-san pour travailler là-dessus, si ça manquait de punch, vous ne pouviez pas vous en servir.
Si j'avais su qu'il avait passé ses nuits à travailler, je me serais peut-être dit : "Hum... ça peut peut-être passer ?" (rires) Mais avec la distance qui sépare Tokyo de Kyoto, assez peu d'informations circulaient, donc on s'est juste dit : "Ça manque de punch", et c'était terminé. Ce genre de franchise peut aussi avoir du bon parfois.
Je me suis dit : "J'ai peur de notre prochaine réunion !" (rires)
(rires sonores)
Mais ce n'était pas comme s'il vous en voulait personnellement.
Je sais, mais...
Ça aurait été marrant pourtant ! (rires)
Non, non, non, non, non ! Pourquoi ? (rires)
C'est arrivé juste une fois. Quand Tsunku-san l'a entendu, son humeur s'est un peu assombrie et il a dit : "Ça manque de punch !" (rires)
Ouah, ça fait peur ! (rires)
Mais, vraiment, ça manquait de punch.
C'est pourquoi j'étais si gêné quand on s'est rencontrés.
(rires)
Il y a pas mal de gens qui réalisent qu'au lieu de comprendre la théorie du rythme avec sa tête, on la comprend bien mieux en rentrant dans la musique et en battant la mesure. J'ai l'impression que tous ceux qui ont participé à ce projet ont compris cela.
C'est vrai. Quand Tsunku-san dit : " Ça ne marche pas comme ça", il tape sur la table. Quand on entend cette mesure ou la mesure battue du pied, on comprend naturellement comment ça fonctionne.
Je crois qu'un des bons aspects originaux de la série, c'est l'élément "remix" où le rythme passe d'un jeu à l'autre. Quelle est la différence entre les gens qui ont du mal avec les remixes et ceux qui les maîtrisent ?
Si vous faites les quatre jeux jusqu'au remix, vous pouvez comprendre le truc. En fait, si vous faites les quatre jeux et que vous avez du mal et que vous y arrivez à grand-peine, vous devriez vous mettre debout et faire particulièrement attention à battre la mesure.
Pourquoi cela fonctionne-t-il mieux quand on est debout plutôt qu'assis ?
En fait, vous ne jouez pas le jeu seulement avec vos mains. En fait, il vaut mieux suivre le rythme avec tout votre corps, avec vos tripes.
Avec vos tripes ?
Oui. Et vos genoux et vos pieds. Dans la musique, comme dans le sport et dans la danse, on ne pose pas les talons par terre. En gardant les talons en l'air, on arrive beaucoup mieux à jouer au jeu, à la guitare, à faire quelque chose. C'est comme quand on reçoit une balle au tennis. On ne peut pas la renvoyer si on a les talons plantés dans le sol, n'est-ce pas ? Quand le gardien de but de foot se positionne pour bloquer un ballon, il se penche en avant, se met sur la pointe des pieds. C'est beaucoup mieux de jouer au jeu de cette façon. Ça permet d'être plus réactif. Si vous êtes debout pour jouer à ce jeu, c'est mieux, car vous êtes plus paré à l'action.
Oh, je vois. Je ne crois pas que quelqu'un qui ne pense jamais au rythme dirait une chose comme :"Suivez le rythme avec vos tripes, plutôt qu'avec vos mains." Y a-t-il des gens chez Nintendo qui jouent debout ?
Dans les bureaux, personne n'a osé se lever de sa chaise, mais j'ai entendu beaucoup de pieds battre la mesure.
Et pourtant, j'avais bien envie de me mettre debout ! (rires)
Au fait, au cours du développement, vous avez senti à un moment que vous traversiez un passage délicat ?
Environ au milieu du projet, on avait plein de jeux de faits, mais à un moment, on s'est dit : "Qu'est-ce qu'on en fait maintenant ?"
C'était avant qu'on puisse faire les remixes.
Quand vous cherchiez les quatre jeux que vous pourriez mettre dans un remix, ça a dû vous faire l'effet d'assembler les pièces d'un puzzle. Comment vous êtes-vous décidés ?
On a pris les chansons deTsunku-san et on a tenté diverses combinaisons. Notamment, quand il y avait une chanson dont les paroles semblaient parfaites pour le remix, ça donnait un résultat super. Je crois que j'étais plus inquiet quand nous étions en train d'étoffer les remixes.
Donc vous avez tâtonné, comme quand on cherche le bon endroit où mettre une pièce de puzzle.
Je crois que ce qui m'a le plus embêté, c'était de choisir le niveau de difficulté du jeu. Les gens qui ont joué au jeu sur Nintendo DS pouvaient vouloir quelque chose d'assez difficile, donc je me suis demandé s'il fallait faire un jeu difficile dès le début, ou si on devait plutôt faire un jeu où des débutants pourraient facilement se lancer. J'ai longtemps réfléchi aux critères déterminants qui rendraient le jeu facile, moyen ou difficile à jouer.
Il faut que quelqu'un établisse ce genre de critères.
Comme on faisait toutes sortes de choses, on a eu peur que ce soit trop difficile. On s'est donc tournés vers des gens de toutes les classes d'âge, des nouveaux employés aux filles de l'équipe, âgés de la vingtaine à la cinquantaine, et sans rien leur expliquer, on leur a dit : "Jouez à ça !" Et ils n'y arrivaient pas. Beaucoup des membres de nos équipes ne jouent pas tellement aux jeux vidéo, donc ils ont dû commencer par nous demander quels boutons il fallait utiliser. Cela a pris un certain temps avant que l'on trouve les bons critères.
Ensuite, on s'est dit : "Eh bien, peut-être qu'ils y arriveront mieux si on fait un jeu plus facile", et on fait valider ça par la nouvelle équipe de Tsunku-san. On était vraiment nerveux, on se disait : "Allez, faites qu'ils y arrivent !" C'était tendu, on se disait : "Et qu'est-ce qu'on fait s'ils n'y arrivent pas ?" (rires)
C'est marrant parce que d'habitude, la personne qui est observée se sent nerveuse, mais dans ce cas-là, c'est ceux qui étaient autour à observer qui étaient nerveux ! (rires) Tsunku-san, cela vous plaisait à l'origine, cette idée d'aller chercher des gens qui ne jouaient pas beaucoup aux jeux vidéo pour leur faire essayer le jeu ?
Oui, en effet.
(Shigeru) Miyamoto-san, qui a créé Super Mario Bros., fait la même chose. Je suis surpris que vous ayez fait ça naturellement, et que vous en soyez arrivé exactement à la même idée et la même façon de faire qu'il avait.
Voilà qui me surprend aussi.
J'ai eu le plaisir de travailler avec vous à trois reprises ces six ou sept dernières années. Nous avons une sorte de lien mystérieux qui donne au final des jeux de ce genre.
Oui, c'est vrai.
J'aimerais beaucoup que l'enthousiasme suscité par ce jeu se transmette et inspire de bonnes tranches de rigolade devant les téléviseurs dans les salons des quatre coins du monde.
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